L'Art de Décider

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Aux origines de l’Aïki

La lutte pour la vie a toujours existé, elle est la base de la persistance de l’espèce. Depuis la nuit des temps on dû combattre non seulement d’autres espèces mais également nos semblables. Cette fonction instinctive rend d’autant plus difficile la détermination des origines des premières écoles de Jujitsu. Difficulté accrue par la chronologie souvent incertaine et les nombreuses légendes. Cependant en se référant à la mythologie japonaise comme le ‘Livre des Choses Anciennes’ (712), on trouve des traces de ce qui pourrait être considéré comme les prémices de l’Aiki. En effet ce livre fait état d’une fabuleuse lutte des dieux Kashima et Katori contre le fils du seigneur Takemi Nakata pour l’acquisition du pays. Ils s’affrontèrent dans une sorte de lutte ou Kashima le souleva tel un fétu de paille et le jeta à terre… Ce serait là une manifestation des principes fondamentaux de l’Aiki (Ki, élan vital, respiration). De façon plus probable la découverte des principes de l’Aïki remonterait à l’époque Heian (794-1192).

Epoque marquée par de nombreux affrontements entre clans, pour le devoir et la suprématie.

 

Avec la fréquence accrue de ces affrontements, les techniques de luttes guerrières, le ‘Tegoi’ (sorte de lutte au bras de force, ancêtre du sûmô) prirent de l’importance et une  orientation plus martiale. Ces techniques se transmirent au sein de la famille de l’empereur Seiwa Tenno (850-880).

 

Il fallut cependant attendre la naissance de Minamoto Shinra Saburo Yoshimitsu lors du 12ème siècle (descendant de l’empereur Seiwa), pour instaurer les premiers fondements de l’Aïki.

En effet ce noble bushi étudia et expérimenta sur des cadavres, les possibilités offertes à un guerrier (avec ou sans armes) sur un champ de bataille. Il découvrit le concept du coup unique (atémi) pour donner la mort, l’effet des coupes, des clés articulaires(Kansetsu)…etc. Mais ses découvertes les plus importantes qui font de lui la personne considérée comme le père des techniques du Daitô Ryû, sont celles de la maîtrise de la distance (ma-ai), ainsi que la synchronisation. Aussi, il en arriva à la conclusion que cette maîtrise est essentielle dans un affrontement (harmoniser sa défense et ses déplacements à ceux du bushi adverse). Il ajouta ces découvertes au Daïtô Ryû du clan Minamoto.


Par la suite, son fils Yoshikizu (ou Yoshiyo) du clan Minamoto s’unit au clan Takeda, et en adopta le nom (Takeda). Il transmit son savoir martial au clan Takeda de la province de Kai. Le clan Takeda perdura, jusqu'à sa fameuse défaite en 1573 face à  Oda Nobunaga, qui fit usage des armes à feu (V.film Kagemusha). Cette fameuse défaite marqua le déclin et la  dispersion du clan. Toutefois, la tradition ne devait pas disparaître, elle survécut sous d’autres noms au travers des descendants et survivants du clan Takeda de Kai ; généraux ou grands guerriers. L’un d’eux Kunitsugu (16ème s), se rendit vivre à Aizu (créant ainsi une nouvelle lignée Takeda, ceux d’Aizu). Il y enseigna les techniques secrètes de son clan à la noblesse Aizu (qui s’appellera Oshiki-uchi ou Goshiki Nai).


Ce fait historique explique l’origine d’une des grandes branches corollaire de l’Aïki du clan Takeda d’Aizu. Après leur défaite et malgré leurs dispersions, le Takeda de Kai continua d’exister et son système de combat s’établit au fil des générations jusqu'à aujourd’hui devenant une école traditionnelle nommée le Takeda Ryû Aïki no Jutsû.


Les Aizu mêlèrent ce nouvel apport technique, avec leurs propres connaissances guerrières, c’est de cette branche que vient le Daïtô Ryû (de Sôkaku). La pratique de leurs techniques fut longtemps restée secrète et restreinte aux proche du Shogun sous la forme d’un secret militaire nommé Takeda no Heiho, et perdura après sa chute.


Le Takeda d’Aizu fut sans cesse développé et enrichi, grâce à l’apport de techniques d’autres écoles, comme notamment :


Le Ken-Jutsu (Mizuno . Shintô Ryu), So-Jutsu, To-Jutsu, Shaolin-Tzu-Kempo, le China …etc.

Ces nouveaux éléments techniques, contribuèrent à la création de nouvelles écoles d’Aïki (Yanigi-Ryu, Kaminshin-Ryu, Kaze-Aroshi-Ryu).


Le premier à utiliser le terme d’Aïki dans le nom du système qu’il fonda, fut Takeda Takumi No Kami Soemon (1758-1853), un lettré versé non seulement dans l’art du combat mais aussi dans le Toïsme, avec son Aïki-In-yo-Ho (doctrine de l’harmonie de l’esprit sur les bases du Yin et du Yang). Takeda Soemon transmit ensuite son savoir à Saïgo Chikamasa Tanamo (également nommé Hoshina Genshin). C’est à lui que revient la survit des techniques de l’Oshikiuchi car avec la révolution Meiji (en 1871), les clans furent dissouts (les guerriers du clan Aizu se sont dispersés). L’Aïki-Jutsu faillit bien disparaître (l’Oshikiuchi). Tanamo Saïgo le transmit une 1er fois à son fils adoptif le légendaire Shiro Shida (1829-1905), plus connu sous l’appellation de Shiro Saïgo.


Shiro Saïgo contribua grandement à asseoir la réputation du Kodokan Jûdô de Jigoro Kano (appelé ainsi afin de le différencier du Judo, déjà utilisé dans le passé par une branche du Kitô Ryu), ainsi qu’a en développer de nouvelles techniques. Il remporta de nombreuses victoires lors des affrontements qui opposèrent le Kodokan aux anciennes écoles de Ju-Jitsu, notamment à l’occasion du tournoi annuel de la police impériale de Tokyo (à l’aide de sa fameuse technique héritée de Tanamo nommée Yama-arashi «Tempête dans la montagne »).


Mais ne voulant faire un choix par respect et loyauté envers ses deux maîtres lui ayant témoigné une immense confiance : Tanamo Saïgo qui voulait faire de lui son successeur et Jigoro Kano qui le nomma responsable du Kodokan. Il prit donc la décision d’abandonner les deux pratiques et s’adonna au Kyudo ou il obtint le Menkyo Hanshi. (V.film ‘La légende du grand Judo’, version romancé de sa vie dans laquelle il se nomme Sugata Sanshiro). 


Ce désistement fut la raison pour laquelle Tanamo Saïgo  transmit à son petit-fils Takeda Sôkaku l’Ushikiushi-Ryû (école de l’intérieur du château), déjà maître de sabre ainsi que d’autres  techniques de combat (Kendoka de génie, Menkyo Kaiden dans le sabre de Ono-ha-hitto-Ryû et la lance (So-Jutsu) du Hozoin-Ryû…etc.). Sôkaku (32ème Iemoto du style), appelait alors son style le Daïtô Ryû « l’école du grand Est » mais son art même s’il contenait tout l’ancien de l’Oshikiushi, encore perfectionné du clan Aizu, fut très fortement modifié par l’introduction de nouvelles techniques de Ken-Jutsu dont il fut l’héritier. Il fut le premier sous l’impulsion de son maître à ouvrir l’enseignement de ces techniques secrètes à des membres extérieurs au clan (enseignement nommé plus tard Daïtô Ryû Jujutsu puis Daïtô Ryû Aïkijujutsu suite à la célébrité de l’Aïkido). De son enseignement même de nombreuses écoles plus ou moins connues virent le jour ;


Comme le célèbre Aïkido de Morihei Ueshibal’Hapkido de Yong Sool Choi ou le Daïtô-Ryû Aïki-Jutsu du fils de Sokaku, Tokimune Takeda dans le cadre du Daïtokan. D’autres écoles naquirent également de son enseignement mais par l’intermédiaire d’un de ses élèves ;


Ainsi le Hakko Ryu Jujutsu de Yoshiji Okuyama (élève de Hosaku Matsuda) et le Shorinji Kempo de So Doshin (élève de Yoshiji Okuyama).   

            
L’Aïki-Jutsu et le Ju-Jutsu sont deux ensembles de techniques de combat rapproché qui se développèrent conjointement au cour des siècles du Moyen Age Japonais. Malgré des ressemblances techniques évidentes ces 2 familles de Jutsu diffèrent dans leurs conceptions, but et doctrine spirituelle.


- L’Aïkijutsu s’est développé à l’intérieur de la caste guerrière et nobiliaire et est parent de l’escrime Japonaise ‘Ken-Jutsu’. On retrouve ces influences dans les gardes Aïki : comme la présence des mains ouvertes (symbole de la lame du Katana).


L’Aïkijutsu est également imprégné d’éléments philosophiques et spirituels lui conférant une autre dimension (doctrine du In – Yo, traduction du Yang élément positif et du Yin élément négatif). Les techniques d’Aïki font d’ailleurs dès ces origines appel à la notion de Ki comme véritable source de l’efficacité au-delà des simples techniques de corps.


- Le Ju-Jutsu, méthodes de combats qui en comparaison avec l’Aïki-Jutsu apparaît comme essentiellement pragmatique. Contrairement aux techniques Aïki, celles du Ju furent élaborées par des hommes ‘du commun’ n’appartenant pas forcément à la caste guerrière, comme par exemple Akiyama Shirobei un médecin de Nagasaki, un des pères du premier Ju-Jutsu codifié. Le Ju-Jutsu eut ses techniques fortement influencées par des apports chinois.


Morihei Ueshiba (1883-1969)


Né le 14 décembre 1883 dans le village côtier de Tanabe, fils de Yoroku riche propriétaire et Yuki Ueshiba qui avait déjà eu trois filles. Morihei naquit avec une santé fragile et était de faible constitution. Son père s’en inquiétant, l’encouragea à se fortifier en l’inscrivant dans un cour de Sumo, lui faisant pratiquer la natation et la marche dans le cadre de pèlerinage.


A l’âge de 17 ans il décida de partir à Tokyo, afin de parfaire son apprentissage du commerce. Durant cette période il s’initia au Tenshin Shin Yô Ryû Jutsu et Kito-Ryû auprès de Tokusaburo Tozawa (1848-1912).


Plus tard il tomba malade (du béribéri), ce qui le fit revenir à Tanabe ou en (1902) il se maria avec Mlle Hatsu Itokawa. Guéri, il se résolut à acquérir un physique solide, à l’aide de nombreux exercices à bases d’endurances et d’épreuves de force. Il se rendit ensuite à Sakai y étudier le Kenjutsu et Jujutsu du Yagyu Shinkage-Ryû (Goto-Ryû) sous la direction technique de Masakatsu Nakai de 1903 à 1908. Puis, il s’engagea dans l’infanterie ou il se démarqua par sa dextérité dans le maniement de la baïonnette (Ju-Ken Jutsu). On le retrouve en 1904 en Mandchourie. Il y découvrit différentes boxes chinoises (Quan-Fa). Après son départ de l’armée et retour à Tanabe il continua à persévérer dans l’étude du Yagyu Shinkage-Ryû, dont il fut diplômé en 1908, année ou il obtint le droit en plus de pouvoir enseigner le Yagyu Shinkage Ryu, celui d’enseigner en plus le Kito-Ryû et le Tenjin Shinyo-Ryû (Menkyo-Kaiden). Durant les années qui suivirent à Tanabe, il perfectionna sa technique, il semblerait qu’il est même suivit quelque temps l’étude du Judo (un an tout au plus), dont le nom de l’instructeur reste incertain (peut-être Kiyoichi Takagi).


Envisageant depuis quelques temps de s’expatrier, il partit avec un groupe d’une cinquantaine de familles, de Tanabe à ce qui deviendra Shirataki village d’Hokkaido ou ils s’installèrent.


Cette période fut extrêmement importante car il y rencontrera Takeda Sôkaku, et reçut pour la première fois l’enseignement de l’art rebaptisé Daïtô Ryû Jujutsu (au alentour de 1915).


Vers la fin de l’année 1919, il dut quitter en toute hâte Hokkaïdo (pour ne jamais y retourner) suite à un télégramme annonçant l’état de santé inquiétant de son père. En chemin, attiré par les rumeurs d’une nouvelle religion l’Omoto-Kyo, il se détourna de sa destination pour se rendre à Ayabe. Il y fit la connaissance de la deuxième personnalité (avec Sokaku) qui allait marquer son destin et imprégner l’esprit de l’Aïki-Dô : Onisaburo Deguchi, guide spirituel de la secte.


Cet important détour le fit arriver quelques jours après le décès de son père Yoroku (1920). Très touché, après quelques mois de méditation, il décida de retourner avec sa famille à Ayabe, afin de s’y installer dans le but de suivre une existence religieuse au cœur de l’Omoto Kyo. Il y enseigna ses connaissances martiales aux membres de la secte, qui au milieu de 1922 commença à être nommé Daïtô Ryû Aïkijujutsu.


A l’année 1924, étant rentré dans le cercle des intimes du révèrent Deguchi, il partit avec lui en Mongolie.               


Les raisons de ce voyage restent obscures, si ce n’est une curieuse tentative d’y instaurer une sorte de colonie. Ils créerent la Jinrui-Aizen-Kai (association de l’amour universel). L’expédition tourna mal et mêlés à des problèmes d’ordre politique, ils furent arrêtés et condamnés à mort, puis de justesse graciés par les autorités Japonaises. De retour au Japon, il retourna à Ayabe y continuer son enseignement.


Parmi ses élèves, il fit connaissance de plusieurs amiraux. Par l’intermédiaire de l’un d’eux qui parla de ses hauts faits martiaux, Morihei Ueshiba eut l’occasion de réaliser de multiples démonstrations, puis partit s’installer à Tokyo. Il fut grandement aidé dans son action par l’Amiral Takeshita (qui lui permit  d’obtenir des aides privées et gouvernementales ainsi que d’importantes introductions). Par l’obtention de ces aides, M.Ueshiba créa en avril 1931 le Kobukan ou il y enseignera le Ueshiba-Ryû Aïkijutsu.


Parallèlement à son activité d’enseignant au Kobukan, il dispensait son savoir dans différentes organisations officielles (Université MilitaireEcoles Navales : Toyama et Nakano, ainsi que diverses institutions militaires). En 1935 suite à la suppression de l’Omoto Kyo due à des incidents, Morihei Ueshiba dut prendre des distances par rapport aux activités de la secte (échappant de peu à une arrestation).


En 1941 le Butokukai, de par l’extraordinaire efficacité de maître Ueshiba, reconnut la valeur de son  école en l’inscrivant officiellement sous le nom de Ueshiba-Ryû Aïki-Budo.


En 1942 il baptisa sa pratique du nom Aïkido et confia à son fils Kisshomaru la direction du Kobukan. O Sensei quitta Tokyo et passa la majorité des 12 années qui suivirent à Iwama, y construisant un Dojo afin d’y poursuivre son entraînement. C’est à cette période qu’il découvrit et élabora le concept de Takemusu Aïki, base de l’Aïki moderne.


O Sensei
 alors âgé de 70 ans retourna à Tokyo, enseigner aux grès de ses envies et inspirations, mais son rôle durant cette période fut surtout symbolique. En cette période le Hombu Dojo était clairement entre les mains de Kisshomaru, Tohei et autres experts, tant sur le plan technique qu’administratif.


O Sensei Morihei Ueshiba s’éteignit le 26 avril 1969
.


De même que Takeda Sôkaku à son époque, Morihei Ueshiba forma nombres de Yudansha qui à leur
tour allaient devenir des maîtres prestigieux garant d’une longue tradition, dont certains de ses plus imminents élèves créeront à leur tour plusieurs écoles d’Aïki.


On peut de façon simpliste les classer en 2 catégories :


-         D’abord les styles influencés par l’enseignement d’avant guerre de Morihei Ueshiba, qui délivrait encore des diplômes de Daïtô ryû Jujutsu (comme en témoigne celui décerné en 1939 à Minoru Mochizuki), ces styles sont :


. Le Yoseikan de Minoru Mochizuki.


. Le Tomiki-Aïkido de Kenji Tomiki.


. Le Yoshin-Aïkido de Gozo Shioda (pratiqué au Yoshinkan).


. L’Aïkido Korin-Do-Ryû de Hirai Minoru.


. Le Shinwa Taido de Inoue Yoichiro Noriaki.


. Le Kobojutsu Aïkido de Hoshi Tetsuomi.


. Le Shin Ryaku Heiho de Tanaka Setaro.


. Le Shindo Rokugo-ryu de Nogushi Senryuken.


. Le Otsuki-ryu Aïkido de Otsuki Yutaka.


-         Ensuite, du travail fournit par Morihei Ueshiba après la 2ème guerre mondiale naquirent les styles :


. L’Aïkido Aïkikaï (Hombu Dojo) de Kisshomaru Ueshiba.


. Le Iwama-ryu Aïkido de Saito Morihiro.


. Le Shinshin Toitsu Aïkido de Koichi Tohei (pratiqué au Kinotoitsukai).


. Le Katsugen-Undo de Tsuda Itsuo (1914-1984).


. Le Ki no michi Aïkido de Noro Masamichi (Né en 1935).

 Reprise d'un article que j'ai écrit durant mon adolescence (années 90).



08/12/2024
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